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Haro sur le vapotage en Indonésie, pays de fumeurs

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L’Indonésie s’attaque à l’industrie de la cigarette électronique en plein essor dans ce pays parmi les plus gros fumeurs au monde, s’attirant des critiques accusant le gouvernement de défendre les intérêts des géants du tabac au détriment de la santé publique.

La publicité pour les cigarettes est partout dans l’archipel d’Asie du Sud-Est où environ 65 % des hommes fument. Des producteurs de tabac avaient même manifesté en 2015 pour protester contre l’instauration du paquet de cigarettes neutre en France, dénonçant une discrimination contre ce produit important pour l’économie locale.

Pour ceux qui veulent arrêter de fumer, les substituts ou médicaments sont difficiles à trouver en Indonésie, un marché clé pour les cigarettiers chassés de certains pays qui prennent des mesures anti-tabac très strictes.

Ces dernières années, l’usage de la cigarette électronique, moins nocive pour l’organisme que le tabac, selon des études scientifiques, s’est beaucoup développé en Indonésie. Pour tenter d’enrayer cette hausse, le gouvernement va imposer à partir de l’été une taxe de 57 % sur les produits du vapotage, provoquant une levée de boucliers.

« Cela va tuer une industrie en pleine croissance » et « nous faire passer pour des machines à tuer », déclare à l’AFP un porte-parole de l’Association indonésienne des vapoteurs.

Les ventes de cigarettes électroniques – appareils générant un aérosol destiné à être inhalé et contenant ou non de la nicotine – ont explosé dans le monde ces dernières années.

Opposé au vapotage, le ministre indonésien du Commerce, Enggartiasto Lukita, s’est attiré de vives critiques après avoir laissé entendre récemment que les producteurs de tabac seraient pénalisés par l’industrie de l’e-cigarette, suggérant aux vapoteurs de fumer des cigarettes classiques, dans un pays où le paquet est accessible dès un euro.

Risque de rechute

Des hommes vapotent à Jakarta, le 9 janvier 2018 © BAY ISMOYO AFP
Des hommes vapotent à Jakarta, le 9 janvier 2018 © BAY ISMOYO AFP

Le projet du gouvernement de taxer fortement le vapotage n’est pas une bonne nouvelle pour Roy Iskandar, un gros fumeur qui a opté pour l’e-cigarette et redoute une prochaine flambée des prix des produits de vapotage.

« S’ils imposent des taxes aussi élevées, les gens qui se sentent en meilleure santé après avoir abandonné la cigarette classique comme moi pourraient rechuter », raconte cet homme de 38 ans.

Le gouvernement espère que cette taxe prohibitive va rendre les cigarettes électroniques inabordables pour les enfants, dans un pays confronté également au fléau du tabagisme juvénile. En 2010, l’histoire d’un petit Indonésien de deux ans qui fumait 40 cigarettes par jour avait fait le tour du monde.

La meilleure solution est de ne pas fumer du tout, suggère le ministère indonésien de la Santé.

« Les cigarettes électroniques sont tout aussi dangereuses (que les cigarettes classiques) et elles peuvent être même plus cancérigènes », affirme un responsable du ministère, Muhammad Subuh.

« Nous rejetons à la fois les cigarettes classiques et électroniques, mieux vaut tout simplement arrêter de fumer », dit-il.

Le gouvernement indonésien rejette les critiques des défenseurs de la santé publique selon lesquels la lourde taxation du vapotage revient à privilégier l’industrie du tabac au détriment de la santé publique.

Pourtant, l’industrie du tabac pèse lourd dans la première économie d’Asie du Sud-Est, rapportant quelque 8,6 milliards d’euros de rentrées fiscales annuelles contre seulement 6,1 millions d’euros pour les produits de vapotage.

La marque indonésienne Gudang Garam, qui fabrique les populaires cigarettes aux clous de girofle – faites d’un mélange de tabac, clous de girofle et d’arômes – est l’un des plus gros employeurs du pays. La marque rivale, Djarum, est la propriété de deux frères figurant parmi les hommes les plus riches d’Indonésie.

Des experts en santé publique estiment que taxer davantage les cigarettes de toute nature serait la meilleure solution pour lutter contre le tabagisme.

Pour Hasbullah Thabrany, analyste à l’Université d’Indonésie, « imposer des taxes plus élevées est la méthode la plus efficace pour contrôler la consommation. Les gens sont plus soucieux de ne pas perdre de l’argent que leur santé ».

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